Architecture

Parcourir la basilique comme un résumé de l’évolution architecturale…  Visiteur ou pèlerin, vous irez d’émerveillements en émerveillements : une crypte aux fondations romanes, un sanctuaire à cinq nefs pour célébrer le gothique flamboyant ou tertiaire, la clôture du Trésor de facture gothico-renaissante, l’intérieur des tours Nord et Sud de style gothique primaire, une façade classique avec la touche baroque de ses tours octogonales encadrant la statue de saint Hubert…  Au fil de votre visite, votre regard se portera vers les stalles, vous tomberez sous le charme du triforium, éprouverez un coup de cœur  pour l’arbre des pèlerins ou les scènes de quelque cul-de-lampe représentant des motifs héraldiques, des chiens, des monstres, autant d’expressions figées de la noblesse du travail artisanal…  Classée le 28 février 1938, la basilique a été promue « Patrimoine exceptionnel de Wallonie » en juillet 1996.  À la sortie, vous quitterez la ville ébloui par la beauté du Quartier abbatial, une résidence à la française avec une façade classique, un plan en U qui accueillait les hôtes de marque de l’abbaye bénédictine de jadis….

 

Le plan

L’abbatiale est un long vaisseau qui s’inscrit dans un rectangle de 81,50 x 30,50 mètres (m) et se terminant par une abside polygonale.  L’ensemble est orienté, c’est-à-dire que le chœur est tourné vers l’est.  Le plan présente à l’ouest deux tours carrées englobant le porche, cinq nefs, composées de cinq travées de 7 m, une nef principale de 10 m de largeur, un transept non saillant, un chœur profond et un déambulatoire ouvrant sur cinq chapelles rayonnantes.  Sous le chœur se trouve la crypte.

ExtérieurEclairage

 

La façade

La façade est construite en grand appareil calcaire sur un haut soubassement, cette façade est un décor qui masque et englobe les anciennes tours (13e, 16e, 17e s.) et leurs tourelles d’escalier polygonales.  Elle est de style plutôt classique, bien que les tours octogonales soient d’inspiration plutôt baroque.
Les armoiries sont celles de Clément Lefèvre.  Elles sont surmontées de la crosse, de la mitre et de l’épée, signes de puissance et d’autorité comme abbé et seigneur sur sa terre de Saint-Hubert.  Elles sont accompagnées de cette phrase : SEDENTE CLEMENTE PRAELATO.  Sous l’horloge se lisent deux autres inscriptions : MORS CERTA INCERTA DIES suivi de NEC HORAM IPSE DICES.  La première indique que la façade a été construite sous la prélature de Clément (1686-1727) ; les deux autres se traduisent ainsi : la mort est certaine et le jour incertain, et ce n’est pas toi qui en diras l’heure.  Certaines lettres de ces phrases sont plus grandes que les autres.  Il s’agit en fait de chronogrammes : 1700 pour la première, 1702 pour les deux autres.  Il faut donc comprendre que la façade a été construite entre 1700 et 1702.  L’aménagement du porche, à l’exception de la voûte stuquée datée de 1731, a dû être exécuté au même moment.

Entre les deux tours, un relief évoque l’épisode crucial de la conversion d’Hubert.  D’après la légende, il arriva qu’un Vendredi Saint, alors que tous les chrétiens ses voisins allaient à l’église, Hubert se rendit à la chasse.  Un cerf vint à lui, portant entre ses cornes le signe de la Sainte-Croix.  À sa vue, une voix l’interpella disant :  » Hubert, Hubert, pendant combien de temps encore vas-tu poursuivre le gibier au lieu de te préoccuper du salut de ton âme ? « .  Ce qu’entendant, Hubert descendit de cheval et adora le signe de la Sainte-Croix qu’il vit entre les cornes du cerf.
Quant à la statue, elle représente saint Hubert revêtu des habits d’évêque de Liège.  Cette sculpture a été réalisée par J. Willame et a remplacé l’originale en 1986.  Celle-ci est conservée dans le bas-côté nord.

 

Le style

À l’instar des relations politiques et économiques de l’abbaye, le style de l’abbatiale est à la croisée des chemins : celui de Bruxelles vers Luxembourg, celui de Reims vers Liège.  Son style s’apparente en effet au gothique brabançon dans ses grandes arcades, le triforium et les fenêtres hautes ; au gothique liégeois, par exemple dans le traitement des arcatures, à l’extérieur.  Son style gothique évident est dit flamboyant par l’élancement sans interruption des piliers vers le sommet, par les nervures compliquées des voûtes du déambulatoire ou de la crypte.  L’abbatiale n’est pourtant pas un modèle représentatif du gothique flamboyant : il s’agit plutôt d’une adaptation régionale.
Le style renaissant s’insinue discrètement.  Ainsi, les balustres de la trésorerie sont inspirées de modèles italiens du début du 16ème siècle.  Le vitrail situé au retour occidental du bras nord du transept adhère complètement aux conceptions de la Renaissance italienne : le traitement en perspective de l’architecture, le fronton à coquille, la voûte à caissons à rosaces, les motifs ornementaux (bustes ailés, volutes, …).  Le blason du vitrail et le vêtement ont permis d’identifier le donateur à genoux, Adolphe de Schauenburg, et d’en préciser la date d’exécution, 1540-1547.  Aux côtés du donateur se trouve l’évêque saint Lambert qui le présente à la statue de saint Pierre, placée sur un autel où brûle un cierge.  Ce vitrail a été récemment attribué aux maîtres-verriers Crabeth de Gouda (NL).

Une nouvelle mise en scène de l’ensemble sera entamée au début du 18ème siècle dans le style baroque.  A. du Hontoir conçoit et réalise le beau tambour de l’entrée sommé des armoiries de Clément Lefèvre ainsi que l’ameublement de la nouvelle sacristie.
Le millésime 1721 gravé et doré sur le dos du lambris du choeur marque l’achèvement des travaux du sanctuaire et de la construction du maître-autel.  À l’exception de la Vierge, les statues du maître-autel sont dues au ciseau de C. Van der Vecken (1666-1740).  On y distingue de bas en haut : saint Benoît et sainte Scholastique, saint Pierre et saint Paul se tournant vers le Christ Sauveur, flanqué de quatre anges.  La Vierge à l’Enfant est une œuvre signée sur sa base par R. Panhay de Rendeux (1684-1744).

Dans le sanctuaire se trouvent encore quatre bustes en plâtre des Pères de l’Eglise posés sur les lambris.  Au nord, il s’agit de saint Jérôme en ermite et de saint Grégoire coiffé de la tiare pontificale.  En face, deux autres bustes : saint Ambroise et saint Augustin.
De la sorte, face au maître-autel, le célébrant était sous  » haute protection « .  Plus tard, entre 1750 et 1760 sans doute, l’abbé commande quatre évangélistes à Guillaume Evrard (1709-1793).  D’un style baroque très enlevé, parfois rococo, ces œuvres d’une très grande qualité artistique comptent parmi les chefs d’œuvre de l’artiste.  Evrard réalise encore un extraordinaire saint Sébastien destiné à la chapelle de l’abbé.  Celui-ci fut vendu en 1797, puis racheté avec son autel abbatial en 1807 afin d’être placé en l’église Saint-Martin d’Awenne, où l’ensemble est toujours conservé.  D’après les millésimes placés sur les clés des portes occidentales du chœur – 1733 au nord, 1734 au sud -, on peut dater l’achèvement du chœur proprement dit.
À l’entrée de celui-ci, reprenant en la simplifiant la structure du maître-autel, deux petits autels présentent au nord, la Vierge au Rosaire avec saint Benoît et saint Dominique et au sud, le martyre de sainte Agathe.  Consacrés le 31 décembre 1741, ces autels possèdent des groupes sculptés dont l’attribution est difficile.
Ajoutons qu’en 1758, millésime qui figure au-dessus d’un chapiteau, le superbe ensemble mobilier de la trésorerie est achevé, dernier souffle baroque.

TrésorerieGrille

 

La chronologie

1525

Le 20 janvier 1525, un incendie ravage l’abbatiale…
L’abbé Nicolas de Malaise (1503-1538) constate les dégâts et décide de reconstruire.  Il veut agrandir l’édifice en longueur et en largeur (cinq nefs, englober la crypte, construire un déambulatoire avec chapelles rayonnantes, …), lui donner hauteur et lumière, afin de satisfaire au culte prestigieux, à l’accueil des nombreux moines (en moyenne trente-six), à la mise en valeur du précieux trésor et du superbe mobilier, à l’évolution des pratiques liturgiques.  L’abbé conçoit ainsi non seulement une église plus large, plus longue, plus haute, plus claire, plus riche, mais aussi un sanctuaire qui doit accueillir de nombreux pèlerins rendant hommage à saint Hubert.  Dans sa réflexion, il prévoit d’ailleurs la construction d’un nouvel hôpital (1562, peu de temps après la consécration de l’abbatiale) destiné à recevoir ces visiteurs et autres pauvres et malades.  Son vaste projet sera poursuivi par ses successeurs, soucieux toujours de leur abbatiale, et plus tard encore par les architectes-restaurateurs.
Grâce aux registres de comptabilité laissés par les moines et à l’examen du bâti, il est permis d’en retracer l’histoire.

 

1530-1540

Construction de la nouvelle façade, des parties basses des nefs, du chœur, aménagement de la crypte, couvrement et voûtement probable des bas-côtés et des chapelles du déambulatoire.

 

1540-1550

Montage des parties hautes du choeur et du transept, placement de la charpente et de la couverture du chœur et du transept, fixation d’un plancher, installation du vitrage.

 

1550-1560

Montage des parties hautes de la nef avec charpente et couverture (1557).

 

1560-1564

Voûtement du chœur et du déambulatoire.
Lors des guerres de religion (1562-1598), les monastères furent les cibles principales des protestants.  La furie iconoclaste frappa durement l’abbaye de Saint-Hubert et particulièrement l’abbatiale à peine achevée.  Les huguenots mirent le feu à l’édifice en allumant des bûchers autour des piliers de la nef et du chœur, dans l’intention de le faire s’écrouler.  Un témoin d’importance rappelle malgré lui le pillage et l’incendie de 1568.  Il s’agit du retable de la Passion.  L’encadrement en bois sculpté, daté de la fin du 17ème siècle, porte une inscription dorée formant chronogramme : ConCVLCaverVntsanCtIfICatIoneM (ils ont foulé aux pieds les choses saintes, 1568) ; il est sommé de la statue de saint Laurent, reconnaissable au gril qu’il tient dans sa main droite, en référence à la chapelle où le retable est alors installé.
Réalisé vers 1560, sans doute destiné au maître-autel, ce retable comporte vingt-quatre plaques émaillées enchâssées dans un encadrement de bois.  Celles-ci portent encore les traces de projectiles.  Ces vingt-quatre tableautins d’émail (20 x 30 cm) rappellent la technique de Limoges.  Hormis la Crucifixion et Jugement dernier, les vingt-deux autres panneaux sont inspirés de la Petite Passion publiée par Albrecht Dürer (1471-1528) en 1511.  Ils sont disposés sur trois registres, la suite iconographique se déroulant de haut en bas en partant de la gauche.

1564-1585

Nouveau (?) voûtement de la crypte, voûtement (?) de la nef, réparations urgentes suite à l’incendie par les huguenots (1568).

1663-1760

Nouveau voûtement qui sera terminé en 1683 (d’après millésime); nouvelle façade (1700-1702), nouvelle mise en scène de l’espace intérieur (1700-1758).

1797

Vente de l’abbaye.

07-06-1808

L’ancienne abbatiale est sauvée de la destruction.

1809

L’église abbatiale devient paroissiale en lieu et place de l’église Saint-Gilles.

1841

Premières restaurations; elles continueront encore longtemps …

1927

L’église paroissiale est élevée au rang de basilique mineure par le pape Pie XI, commémorant ainsi le 1200ème anniversaire de la mort d’Hubert.

22-02-1938

Classement.

1986

Placement de la nouvelle statue de saint Hubert évêque au-dessus de la façade (J. Willame).

25-07-1996

Patrimoine exceptionnel de Wallonie.

 

Basilique et phénomène solaire

Mais que se passe-t-il au solstice d’été, le 21 juin à 6h08 dans l’espace des stalles consacrées à la vie de saint Hubert ?

Par la partie supérieure de la verrière de la chapelle centrale du déambulatoire, se faufilant entre deux colonnes du maître autel où trône une vierge à l’enfant du sculpteur Renier Panhay de Rendeux (1687-1744), un rayon solaire vient éclairer successivement la tête de Hubert sur les deux premiers bas-reliefs avant d’illuminer le troisième panneau avec la scène légendaire de la conversion de l’illustre apôtre de l’Ardenne….  Instant de grâce dans l’édifice encore dans la pénombre que ce jaillissement de lumière pour les fervents du saint comme pour les férus de lecture solaire de la basilique….

StallesRayon

De plus, à 14h, une tache de lumière particulière se dessine sur le marbre du choeur entre les deux rangées des stalles.

Merci à Monsieur André Mathot qui a su nous faire redécouvrir ces phénomènes solaires fort bien maîtrisés dans notre Abbaye lors de la construction de son église.  Ces études ont été complétées par Monsieur Gino Ratinckx.